Parmi les multiples facettes du président Giscard d’Estaing, il y a le passionné de chasse. Mais plus précisément, ce que je voudrais évoquer ici, c’est la question du rapport de l’aristocratie et de la grande bourgeoisie à ce sport.
Si la FNC de Willy Schraen défend, avec raison, la chasse dans le cadre plus général de la ruralité et si notre revue du Saint-Hubert cherche à mener le combat contre les thèses idéologiques des animalistes – deux démarches populaires dans le sens où cette défense et ce combat concernent des populations largement plus amples que celle des simples chasseurs – je voudrais réfléchir, à l’occasion de cette évocation de VGE, à la question des rapports sociaux au sein de la chasse elle-même, et cela parce que nous ne devons rien concéder aux anti-chasse. Quelle que soit l’origine des chasseurs et quel que soit leur entre-soi, la chasse doit être défendue « quoi qu’il en coûte ». Évidemment, en affirmant que la chasse est populaire en France, nous nous donnons l’argument du poids économique et démographique. Souvent, toutefois, nous sous-entendons par là que la chasse élitiste des classes sociales les plus élevées n’est pas défendable. Récemment, on a vu ce raisonnement se développer en ce qui concerne la chasse à courre que ses défenseurs revendiquent, avec raison, comme un mode de chasse populaire, en dépit des apparences, le but recherché étant d’ éviter de se laisser enfermer dans une lutte de classes (au sens marxiste). Mon point de vue, bien que je comprenne tactiquement une telle démarche, est que la chasse est défendable quelle que soit la classe sociale qui la pratique. Si la France est la patrie des 40 modes de chasse, elle est aussi un pays où toutes les classes sociales les pratiquent. Outre la diversité de nos chasses, les chasseurs se doivent de défendre leurs passions avec la diversité sociale qui s’y trouve. À introduire, par le déni, les questions sociologiques, nous nous affaiblissons. Si tactiquement, la chasse est populaire – nous devons sans cesse le rappeler pour affirmer notre poids économique et électoral – stratégiquement, cette question ne doit pas être débattue : la chasse est un inné acquis, populaire ou élitiste, c’est sans importance. Si je prône depuis longtemps l’union de la chasse avec la corrida, la gastronomie, le cirque, les fourreurs, les pêcheurs… contre l’idéologie animaliste, il m’apparaît évident que les chasseurs doivent offrir eux aussi, eux surtout, un front commun. Aucune désunion ne doit nous caractériser. La chasse en Afrique, la chasse à courre, la Sologne et ses grandes propriétés, les chasses présidentielles etc., tout ce qui relève de la distinction sociale, au sens de Pierre Bourdieu, doit être soutenu par tous. C’est une position de principe. Les animalistes ne doivent pas réussir à introduire le serpent de la lutte des classes là où elle n’a rien à y faire.
La chasse est un sport que pratiquent les élites aussi. Et si elle n’était plus populaire, comme elle l’est encore en France, la chasse de cette élite mériterait aussi notre support. N’oublions pas que dans certains pays, qui mènent le même combat que nous au niveau de l’Union européenne, la chasse n’est pas aussi populaire qu’en France. Ne nous laissons pas enfermer dans l’Hexagone. Outre ces questions de tactique, de stratégie et d’union qui se posent à nous dans notre combat contre les animalistes, et mon désir de vous convaincre que même là où la chasse n’est pratiquée que par des élites elle doit être défendue, je veux aussi réfuter au nom de la liberté tout discours anti-élitiste. La Covid nous a rendus sensibles aux contraintes que la collectivité impose aux individus (je vous encourage à lire le petit essai de Sureau paru chez Gallimard sur les questions de liberté). Le sel de la vie, c’est la liberté. Notre monde est travaillé par des forces qui visent à la réduire tous les jours. Nous devons au contraire promouvoir l’éclectisme sociologique des chasseurs et leur distinction sociale. Nous devons aimer qu’il existe des traditions distinctes selon les milieux sociaux d’où sont issus les chasseurs. À bas l’uniformisation. Valéry Giscard d’Estaing appartenait à un certain monde de la chasse. Ce monde a le droit d’être. Il ne peut en aucune façon se penser comme supérieur mais il doit revendiquer sa différence et ses traditions spécifiques. Et nous devons tous le défendre. Enfin, la France bénéficie, avec ses 40 modes de chasse d’un soft power extraordinaire. VGE l’avait aussi compris.