Le Statut JURIDIQUE des ANIMAUX en droit français
En 2011, un certain Naruto prit un selfie dans une réserve indonésienne à l’aide du matériel du photographe britannique David Slater. Ce dernier publia l’autoportrait sans reconnaître les droits d’auteurs à Naruto. En 2015, l’affaire fut menée en justice devant la cour de Californie pour rétablir les droits d’auteur de l’intéressé. Naruto n’étant pas en mesure de revendiquer ses droits, c’est une association américaine, PETA, qui s’en est chargé, réclamant le reversement des profits perçus par David Slater à Naruto. Jusque-là, ce cas judiciaire peut sembler absolument banal. Seulement Naruto n’est pas un être humain. C’est un animal – précisément un macaque crêté- dont l’association animaliste PETA s’était d’office reconnue compétente pour défendre les droits. Le juge fédéral de San Francisco a indiqué qu’il n’y avait aucune raison d’étendre le droit d’auteur aux animaux et a finalement donné raison au photographe qui devrait recevoir une compensation pour l’utilisation de ses photos sur internet. Cette histoire montre à quel point le regard porté sur les animaux évolue dans le monde occidental et fait évoluer notre droit.
Le droit européen : le « bien-être animal »
Tout d’abord on ne peux que s’étonner de l’utilisation en français de la notion de « bien-être animal » alors que cette notion est développée par des humains qui ne peuvent donc pas savoir ce que ressent un animal. Seule la notion de « bien-traitance de l’animal » devrait être retenue aussi bien en droit que par les éthologistes en ce qu’elle est la traduction du « Welfare » anglais. Pour autant l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) maintient la notion de bien-être des animaux et la définit en ces termes: « Le bien-être d’un animal est considéré comme satisfaisant si les critères suivants sont réunis: bon état de santé, confort suffisant, bon état nutritionnel, sécurité, possibilité d’expression du comportement naturel, absence de souffrances telles que douleur, peur ou détresse.»
Les objectifs, les principes et le champ d’application de la politique de l’Union européenne (UE) en matière de ce « bien-être » des animaux découlent de l’article 13 du traité sur le fonctionnement de l’UE. Cet article ne fournit pas de base juridique à la protection des animaux, mais il crée l’obligation, pour les États membres et l’Union, de veiller à ce que les exigences en matière de bien-être des animaux soient prises en considération dans le cadre de certaines politiques européennes. En 2009, le Traité de Lisbonne a énoncé, dans son article 13, certains principes fondamentaux que l’Union doit respecter: « Lorsqu’ils formulent et mettent en œuvre la politique de l’Union dans les domaines de l’agriculture, de la pêche, des transports, du marché intérieur, de la recherche et développement technologique et de l’espace, l’Union et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu’êtres sensibles, tout en respectant les dispositions législatives ou administratives et les usages des États membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux.»
Les textes d’application de ce principe concernent la protection de tous les animaux d’élevage pendant leur élevage, leur mise à mort (DCEE 93/119 du 22-12-1993) ou durant leur transport (Règlement 1/2005 du Conseil du 22/12/2004). Les animaux sauvages détenus en captivité sont concernés par la directive relative aux parcs zoologiques (DCEE 199/22/CE 29/03/1999). Pour les chiens et les chats, le règlement n° 1523/2007 du Parlement européen interdit la mise sur le marché, l’importation dans la Communauté ou l’exportation de fourrure de chat et de chien et de produits en contenant. Même si les chats sont les plus grands prédateurs des oiseaux ainsi que cela a été reconnu par la LPO.
Le droit français: des êtres vivants doués de sensibilité
En 2017, le législateur a modifié le statut juridique de l’animal approprié dans le code civil. Auparavant l’animal, principalement domestique puisque c’était lui qui avait un maître, était considéré comme un «bien meuble corporel» puisqu’il était un bien mobile par opposition aux immeubles. Désormais le nouvel article 515-14 du code civil, précise que: «Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens corporels».
Cet article s’aligne sur les dispositions qui figurent déjà dans le code pénal en ce qui concerne les mauvais traitement ou actes de cruauté dont les animaux peuvent être les victimes, et dans le code rural en ce qui concerne les mesures relatives au «bien être» des animaux. Ce texte concerne également la faune sauvage captive détenue par des entreprises (cirques, zoos etc.) ou des particuliers en application de l’arrêté du 8 octobre 2018 modifié qui remplace les deux arrêtés du 10 août 2004 modifiés relatifs aux élevages professionnels et aux élevages d’agrément de ces animaux. Elle ne remet pas en cause le fait que l’animal soit soumis au régime des biens corporels et qu’il puisse être la propriété d’une personne physique ou morale qui en sera responsable.
Le statut des espèces sauvages élevées en captivité
Les espèces sauvages qui peuvent être détenues et /ou élevées en captivité dans les conditions fixées par l’arrêté ministériel du 8 octobre 2018 modifié fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non domestiques redeviennent des biens et bénéficient donc des mesures assurant leur «bien être» et leur défense contre des actes de maltraitance. Ce sont également des biens au sens du code civil modifié. Elles ont un propriétaire et toute capture de ces animaux constitue un vol, notamment dans les élevages ou les enclos de chasse, réprimé par un délit et non une contravention de la 5e classe. Cependant, les espèces chassables dans les enclos de chasse doivent vivre comme si elles étaient dans leur milieu naturel. Leur densité maximum est donc fixée à plus d’un hectare par individu faute de quoi l’enclos devient un élevage où la chasse est interdite et est soumis aux règles applicables rappelées ci-dessus, y compris les certificats de capacité nécessaires. Ces modifications ne sont pas pour le moment étendues aux espèces sauvages en liberté contrairement à ce que souhaitaient certains mouvements animalistes.
Le statut des animaux sauvages
La faune sauvage vivant en liberté est qualifiée de res nullius, bien n’appartenant à personne, par opposition aux animaux domestiques ou détenus en captivité qui sont eux des res propria ou privata, des biens appartenant à un propriétaire. Pour un chasseur, l’appropriation de l’animal chassé résulte de sa capture, l’acte d’occupatio, et ce, même si cette capture résulte d’un acte illicite volontaire ou non, de braconnage. Le chasseur est responsable de la qualité sanitaire du gibier qu’il a tué et qu’il remet à un tiers soit en le donnant, soit en le vendant. En outre un spécimen d’une espèce de faune sauvage issue d’un élevage, donc res propria, recouvre sa qualité de res nullius au moment où il est relâché volontairement dans la nature ainsi que l’a précisé la cour de cassation à différentes reprise. Ainsi, dans l’arrêt n° 80-92139 du 25 février 1981, la chambre criminelle précise que «Ne sauraient être considérés comme des animaux apprivoisés, au sens de l’article 453 alinéa 1er du Code pénal, des faisans élevés en enclos qui ont été ensuite lâchés dans la nature pour être chassés».

La notion de gibier
La notion de gibier en droit français a été précisée par la cour de cassation par arrêt n°93-83341 du 12 octobre 1994, puis par le conseil d’État par décision n°120905 du 26 mai 1995. Pour ces deux cours: « Constituent du gibier, au sens de la législation sur la chasse, les animaux sans maître, appartenant à une espèce non domestique, fût-elle protégée, vivant à l’état sauvage. Encourt dès lors la cassation, l’arrêt qui a accueilli l’exception d’illégalité de l’arrêté ministériel du 5 septembre 1990, interdisant, sur le fondement du texte précité, la chasse sur certains territoires des Pyrénées-Atlantiques pour prévenir la destruction et favoriser le repeuplement des ours des Pyrénées, au motif que l’ours, en raison de la protection spécifique dont il bénéficie, ne peut pas être assimilé à du gibier. » Le ministre peut donc utiliser les dispositions relatives à la chasse pour encadrer le statut des espèces sauvages en plus du droit relatif à leur protection stricte.
La chasse des espèces sauvages en liberté
Actuellement les espèces de faune sauvage européenne en France sont soit protégées, soit chassables, soit considérées comme étant des espèces exotiques envahissantes (EEE). Pour chacune de ces catégories d’espèces des prélèvements peuvent être opérés pour en réguler les populations. C’est le cas notamment des espèces chassables pouvant faire l’objet de plans de chasse et /ou de gestion, celles auparavant classées nuisibles jusqu’à la loi de reconquête de la biodiversité et qualifiées désormais d’espèces « d’animaux susceptibles d’occasionner des dégâts» -vive le politiquement correct et les périphrases-, mais aussi des espèces exotiques envahissantes (EEE) ou de certaines espèces de faunes protégée telles que les cormorans ou les loups. Ces espèces de faune et de flore doivent être recensées dans des arrêtés interministériels. C’est ainsi qu’en application de l’article R. 427-6 du code de l’environnement, l’arrêté du 8 juillet 2013 fixe la liste, les périodes et les modalités de destruction des espèces non indigènes d’animaux «nuisibles» sur l’ensemble du territoire métropolitain. Ces animaux sont également susceptibles de provoquer des dommages principalement aux récoltes agricoles et des systèmes d’indemnisation mis en place par les associations de chasseurs, impliquant ou pas les propriétaires des lieux, ont été mis en place afin de réparer le préjudice causé par des espèces qui n’appartiennent à personne. Paradoxe des statuts : que se passerait-il si ces espèces devenaient non chassables ???
La responsabilité
Désormais aux termes de l’article 1243 du code civil : « Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé. » Si ce texte concerne particulièrement les animaux domestiques il vise également des élevages de gibier chassable, ceux des chasses commerciales marqués pour être chassés, en dehors des seules périodes autorisées pour la chasse des espèces sauvages, et ceux qui s’échappent des enclos de chasse alors que la clôture doit être étanche au passage de l’homme et du gibier à poil. Ces responsabilités sont le plus souvent ignorées des détenteurs de droit de chasse dans les enclos, dont le statut devrait être modifié, ou les territoires de chasse commerciale.
En ce qui concerne les territoires de chasse ouverts, du fait de la qualification de res nullius des animaux sauvages vivant en liberté, les propriétaires fonciers et leurs délégués ne devraient pas être rendus responsables du fait de ces animaux qui vivent ou passent sur leurs terres puisque ce sont des biens sans maître. Cependant, des dérogations existent à cette analyse en ce qui concerne les dégâts de gibier car la responsabilité du propriétaire ou son délégué peut être recherchée en cas de dégâts causés aux cultures voisines dès lors que les prélèvements sur cette propriété sont insuffisants, et la veille sanitaire puisque le propriétaire est tenu de réaliser ou de faire réaliser des mesures de surveillance, de prévention ou de lutte contre des dangers sanitaires en supportent le coût, y compris celui du suivi de leur mise en œuvre, sans préjudice de l’attribution d’aides publiques, sans compter les accidents de circulation en cas de collision provoqué par l’action de chasse en cours.
Les sanctions
Le code pénal édicte des infractions spécifiques à l’encontre de ceux qui portent atteinte aux animaux, qu’il s’agisse des sévices graves ou de nature sexuelle ou des actes de cruauté, du fait de donner volontairement la mort, de celui d’exercer volontairement des mauvais traitements à animaux, à l’exclusion des combats de coq et des courses de taureaux dans certaines conditions, et enfin du fait d’occasionner involontairement la mort ou la blessure d’un animal. Ces infractions sont soit des délits, soit des contraventions, et sont prévues par le livre V titre II du code pénal. Les peines (art. 521-1) peuvent aller jusqu’à 30 000 € d’amende et 2 ans d’emprisonnement pour les délits. Le tribunal statue sur le sort de l’animal dont il peut prononcer la confiscation. Il peut également prononcer une interdiction de détention d’un animal contre le propriétaire à titre temporaire ou définitif.
En conclusion
La définition juridique de l’animal reste posée. Comment et par quoi remplacer le concept de «chose» ou bien appropriée ou sauvage. Certains considèrent que les animaux, êtres sensibles, doivent avoir le même statut que l’être humain. En ce qui concerne la faune sauvage, les concepts du droit romain demeurent efficaces car, même si dans certains pays, les animaux sauvages sont considérés comme res publica, bien public, ou comme patrimoine commun, on reste toujours dans le domaine des biens.
Pour les animaux domestiques, il y a appropriation et responsabilité du propriétaire. Sauf à interdire la détention et l’utilisation de tous les animaux par l’homme, il nous paraît difficile d’échapper à cette réalité, même si c’est ce que souhaitent là aussi les mouvements les plus radicaux.
Les régimes juridique en vigueur ne confèrent pas de droits à l’animal mais imposent des devoirs aux personnes qui en sont propriétaires ou en ont la garde, ainsi qu’à ceux qui veulent les capturer, notamment les chasseurs, par une réglementation stricte des moyens autorisés et des règles à respecter pour cette capture.
Est il possible d’accorder des droits aux animaux et qui les exercera, les animaux n’ayant pas cette possibilité car ils ne s’expriment pas. Avoir des droits, c’est en faire usage. Comment les animaux pourront-ils faire valoir leurs droits ? Comment assumeront-ils leur responsabilité, leur défense ? A défaut de consentement et de mandat donné par l’animal, il ne pourrait donc s’agir que d’un mandat légal, donné par le législateur. Les associations animalistes s’arrogent déjà ce droit comme PETA dans l’affaire du macaque indonésien. Mais à quel titre et pourquoi elles plutôt qu’une autre ? Les fédérations de chasseurs ne sont-elles pas aussi des associations agréées au titre de la protection de l’environnement ? Le danger est grand de permettre à des groupements de personnes de s’arroger le monopole de la défense des animaux. Il nous paraît que la représentation des animaux par le ministère public (le procureur) est la seule réaliste. C’est déjà le cas dans notre droit